Lettre ouverte au Premier Ministre
Préserver le maillage pharmaceutique sur nos territoires et le droit fondamental à la santé
Cette lettre a été adressée par le Président de l’USPO au Premier Ministre le 20 août.
Monsieur le Premier Ministre,
Depuis plusieurs années, les laboratoires de médicaments génériques alertent sur la fragilité économique de leur industrie. Mais rappelons un fait essentiel : cette industrie, loin d’être nationale et fidèle à la France, est l’industrie la plus financiarisée et contrôlée par des multinationales et des fonds d’investissement étrangers. Ces acteurs internationaux ont obtenu du Gouvernement une oreille attentive pour réclamer des hausses de prix dans un contexte d’inflation.
La réponse apportée est incompréhensible : plutôt que d’augmenter le prix des médicaments, le Gouvernement a choisi de réduire les remises commerciales accordées aux officines. Autrement dit, de prendre dans la poche des 20 000 pharmacies de métropole et des DROM, de leurs 146 000 salariés et, in fine, d’impacter leurs patients.
Cette décision n’est pas neutre. Elle affaiblit délibérément le réseau officinal français. Après les déserts médicaux et la pénurie de médicaments, c’est désormais le spectre des déserts pharmaceutiques qui est en cours.
Ce choix politique a suscité une indignation sans précédent :
- Des centaines d’élus de tous horizons – maires, parlementaires, présidents de régions, anciens Ministres de la Santé jusqu’à un ancien Président de la République – se sont mobilisés ;
- Des citoyens, par centaines de milliers, ont signé une pétition pour défendre leurs pharmacies de proximité.
Cette mobilisation historique et inédite révèle l’ampleur du danger. La journée du 16 août en a été l’illustration : massive, largement relayée et soutenue par la population, elle a montré la détermination d’un réseau tout entier à défendre la santé de proximité.
La France a déjà perdu près de 2 000 officines en dix ans, dont 400 sur la seule année écoulée. Bientôt, notre pays passera sous la moyenne européenne en nombre d’officines par habitant. Quand tirerez-vous enfin la sonnette d’alarme ?
Les récents échanges avec vos services ont montré que les études d’impact sur le réseau officinal n’ont pas été réalisées de façon robuste. Les chiffres présentés sont peu nombreux, insuffisamment étayés et entachés de biais. Ils ne permettent en aucun cas de mesurer l’impact réel de cet arrêté.
Monsieur le Premier ministre, avec tout le respect que nous vous devons, il s’agit d’une politique court-termiste, guidée par le ministère de l’Industrie au détriment du ministère de la Santé. Une politique sans vision, qui risque de désorganiser durablement notre système de soins.
Dès le 1er septembre, les conséquences seront immédiates :
- Des officines fermeront définitivement ;
- Celles qui survivront devront renoncer à des missions essentielles, aujourd’hui financées par ces remises commerciales : préparation des piluliers pour les EHPAD, prise de tension gratuite ou encore réception et stockage des prélèvements biologiques, entre autres, dans les territoires ruraux.
Toutes ces activités, pourtant vitales pour les patients, seront arrêtées, d’autant plus qu’elles n’ont jamais été juridiquement encadrées ni financées.
Les pharmaciens, tout comme les patients, ne peuvent pas accepter un compromis.
Nous demandons solennellement la suspension immédiate de cet arrêté et l’ouverture sans délai d’une négociation conventionnelle avec l’Assurance Maladie, afin de bâtir un plan pluriannuel de financement du réseau pharmaceutique.
Ce n’est pas seulement l’avenir de nos pharmacies qui est en jeu, mais la santé de nos concitoyens et la cohésion de nos territoires.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre très haute considération.
Pierre-Olivier VARIOT, Président de l’USPO
