Union des Syndicats de Pharmaciens d'Officine (USPO)

Communiqués de presse

Lettre ouverte au Président de la République

Monsieur le Président de la République,

Les pharmaciens sont en colère. Ils l’ont fait savoir publiquement et massivement hier, lors d’une grande journée nationale de mobilisation, au cours de laquelle la quasi-totalité des officines de France et d’outre-mer étaient fermées. Près de 30 000 personnes ont battu le pavé dans plus d’une trentaine de villes : titulaires, adjoints, préparateurs, étudiants, mais également de nombreux patients venus soutenir nos revendications.

Car c’est d’abord pour nos patients que nous sommes mobilisés. Les Français sont viscéralement attachés à leur pharmacie de proximité, et cela est d’autant plus vrai quand il s’agit de territoires isolés et fragilisés, au sein desquels de nombreux commerces, cabinets médicaux et services publics ont déjà fermé. Bien souvent, la pharmacie reste encore le seul lieu d’accès proche de chez eux au système de santé. Comme nous, ils subissent au quotidien les pénuries de médicaments et ne comprennent pas cette situation qui ne s’améliore pas.

Le maillage officinal est en danger. En dix ans, plus de 2 000 pharmacies ont baissé le rideau, dont plus de 300 en 2023, et déjà plus d’une centaine depuis le début de l’année ! Monsieur le Président, notre question est simple : voulez-vous arrêter cette hémorragie ou laisser le réseau continuer à se rétrécir d’année en année, au risque de dégrader encore un peu plus l’accès aux soins pour des millions de patients ? Un tiers des Français vit déjà dans des « déserts médicaux » : voulez-vous également l’apparition de déserts pharmaceutiques ? A ce titre, les négociations conventionnelles en cours avec l’Assurance maladie seront décisives pour la pérennité du maillage.

Les pharmaciens ont de réelles craintes pour l’avenir et l’attractivité de leur profession. Les études en pharmacie peinent à faire le plein : il y avait plusieurs centaines de places vacantes dans les facultés l’année dernière. La réforme du troisième cycle de pharmacie est attendue depuis près de huit ans.

Mais surtout, nous avons de vives inquiétudes concernant une possible dérégulation de la vente en ligne de médicaments. Cette tentation avait déjà mobilisé l’ensemble de la profession en 2014. Vous connaissez bien le sujet puisque vous étiez à l’époque l’initiateur de ce projet de loi, en votre qualité de Ministre de l’économie. Après des échanges constructifs, vous aviez compris notre place essentielle dans la santé publique. Les médicaments ne sont pas un bien de consommation comme les autres, et il en va de la sécurité et de la santé des patients.

Dix ans plus tard, les mêmes causes produiraient les mêmes effets, mais avec des conséquences encore plus délétères en raison de l’explosion du commerce en ligne. Nous ne voulons pas voir l’arrivée de plates-formes et de grands groupes de distribution vendre des médicaments : ce serait la fin du modèle officinal français et la porte ouverte à une financiarisation débridée de la pharmacie, une nouvelle fois au détriment de la santé des patients.

Depuis des mois, nous tentons en vain d’obtenir un rendez-vous avec celui qui est présenté comme le principal auteur de cette volonté de libéraliser la vente en ligne : le député de votre majorité Marc FERRACCI.

Monsieur le Président, trouvez-vous cela normal et acceptable qu’un député de la Nation, un élu de la République, un représentant éminent de la démocratie française, refuse obstinément de recevoir les syndicats représentatifs d’une profession qui contribue activement au bon fonctionnement de notre système de santé, et dont le dévouement auprès de nos concitoyens est exemplaire ?

Ce député a récemment déclaré dans la presse que « tout cela a été très vite monté en épingle par certains syndicats (sic) sans que nous en ayons discuté ». Mais comment en discuter quand il nous signifie une fin de non-recevoir depuis des mois ?

Monsieur le Président, nous connaissons votre attachement à l’écoute, au dialogue et à la concertation. A ce titre, nous vous serions extrêmement reconnaissant si vous pouviez recevoir les représentants d’une profession qui compte plus de 135 000 personnes, et qui sont autant d’emplois directs et non délocalisables, faisant d’elle les premiers employeurs des professionnels de santé libéraux.

Vous remerciant par avance de l’intérêt que vous porterez à notre requête, je vous prie de recevoir, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma plus haute considération.