La santé mentale et le rôle des pharmaciens d’officine : un enjeu majeur de santé publique

La santé mentale touche près d’un français sur cinq et une personne sur quatre souffrira de troubles psychiques au cours de sa vie. Les maladies psychiques sont au troisième rang des maladies les plus fréquentes après les cancers et les maladies cardio-vasculaires. Plus de 3 millions de personnes vivent avec des troubles psychiques, et près de 5 millions les accompagnent. La souffrance psychique va des troubles psychiatriques à la détresse psychologique : le pharmacien joue un rôle majeur pour contribuer à la réduction de la stigmatisation liée à la santé mentale.
Le plus souvent, cela consiste à accompagner les patients dans leur parcours de soins et à faciliter un échange par la confiance et l’écoute afin d’orienter au mieux un patient vers une prise en charge adaptée.
Cette grande cause nationale s’articule autour de quatre objectifs prioritaires :
- la déstigmatisation, pour changer le regard porté sur les personnes concernées,
- le développement de la prévention et le repérage précoce,
- l’amélioration à l’accès au soin,
- l’accompagnement des personnes concernées,
Le pharmacien : un acteur clef dans le repérage, l’orientation et le suivi
Alors que les pharmaciens peuvent eux-mêmes voir leur santé mentale impactée, ils jouent aussi un rôle déterminant dans la détection précoce des troubles psychiques chez les patients. En raison de leur accès facile et du lien de confiance qu’ils entretiennent avec leur patient, ils sont souvent les premiers à percevoir certains signes d’alerte : troubles du sommeil, angoisses, isolement social…
En effet, le repérage et l’accompagnement des patients fait partie intégrante de notre mission, cependant nous sommes souvent dépourvus quant à l’orientation vers les structures ou professionnels de santé. La continuité des soins reste également un enjeu, malgré le renouvellement d’ordonnances autorisé pour certaines classes de médicaments et les organisations territoriales des soins.
Afin d’accompagner au mieux les personnes concernées, ainsi que les aidants que nous connaissons le plus souvent, il est important de pouvoir proposer des aides adaptées.
Le rôle d’écoute, de repérage, d’orientation et de suivi est donc fondamental. Ils peuvent, par exemple, recommander d’aller consulter un médecin généraliste, orienter vers des structures spécialisées ou des associations de soutien. Le pharmacien peut aussi accompagner l’entourage de patients en souffrance psychique.
Les jeunes pharmaciens diplômés peuvent être impactés
Chez certains jeunes pharmaciens diplômés, l’entrée dans la vie active peut être marquée par une confrontation à la réalité du terrain. Certains peuvent développer une perte de sens, une charge mentale excessive et ou encore un isolement professionnel. Les attentes élevées (des patients, de l’équipe officinale, de la hiérarchie), le manque d’expérience et l’incertitude face à leurs choix de carrière peuvent alimenter des troubles psychiques, souvent banalisés. La pression est d’autant plus forte que la pharmacie est aujourd’hui en pleine évolution notamment avec l’élargissement des missions, ou les responsabilités élargies.
La gestion des conflits en officine et épuisement émotionnel : une réalité souvent méconnue
La santé mentale des pharmaciens est également mise à l’épreuve par un autre facteur : les conflits interpersonnels, notamment au sein des équipes officinales. La promiscuité, les différences de statuts, les problèmes de communication ou de reconnaissance peuvent générer des tensions importantes.
Les conflits avec les patients sont également fréquents : contestation des ordonnances, refus de délivrance, attentes irréalistes ou comportements agressifs… Le pharmacien doit sans cesse jongler et souvent dans l’urgence, entre exigences réglementaires, déontologie et gestion humaine.
Une mauvaise gestion de ces conflits peut entraîner une démotivation, voire un épuisement émotionnel. D’où l’importance de développer des compétences en communication bienveillante, en médiation, en affirmation de soi, et de promouvoir une culture d’équipe solidaire et respectueuse.
Un professionnel en souffrance est moins disponible, moins performant, et potentiellement à risque pour lui-même ou pour les autres. Investir dans la prévention, la formation, le soutien psychologique et la qualité de vie au travail est indispensable. Cela passe aussi par une reconnaissance accrue de la place du pharmacien dans le parcours de soins en santé mentale, non seulement comme professionnel de santé exposé, mais aussi comme acteur essentiel de repérage et d’orientation.
Pour aller plus loin
psycom.org: Créé en 1992 par 5 établissements psychiatriques parisiens, Psycom est, depuis 2015, un groupement de coopération sanitaire (GCS). Il est administré par une Assemblée générale composée de représentants des établissements fondateurs, de la FNAPSY, de la Fédération nationale d’éducation et de promotion de la santé (FNES) et de l’UNAFAM.
https://fnapsy.france-assos-sante.org/ : Fédération Nationale des Associations d’usagers en psychiatrie (regroupe 59 associations et environ 5000 usagers)
https://www.unafam.org/ : Union nationale des famille et amis de personnes malades et/ou handicapés psychiques
https://www.maisonperchee.org/ : association qui accompagne les jeunes adultes vivants avec un trouble psychique et leurs proches
Lecture : Intérieur nuit de Nicolas Demorand, où il parle de sa souffrance, de sa bipolarité et de toutes ses années où il s’est tu. ■
Article rédigé par Cécilia Le Page et Sonia Jouve
