Union des Syndicats de Pharmaciens d'Officine (USPO)

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Négociations conventionnelles : tout comprendre en 5mn chrono !

En 2022, une nouvelle convention nationale pharmaceutique, délaissant l’aspect économique pour cause d’élection présidentielle, a été signée pour une durée de 5 ans. En décembre 2023, la Caisse nationale d’Assurance maladie (CNAM) et les deux syndicats représentatifs de la profession (la FSPF et l’USPO) ont entamé des négociations pour aboutir à la signature d’un avenant économique pour revaloriser la marge des pharmacies, comme cela était prévu dans le cadre de cette convention. Cette hausse des tarifs devait porter à la fois sur le cœur de métier (nos honoraires de dispensation, les gardes) et les nouvelles missions (vaccination, dépistages, entretiens).

L’USPO avait indiqué dès le début des discussions que le réseau avait besoin d’un milliard d’euros dès 2024 pour compenser la hausse exponentielle des charges subies depuis 4 ans (les experts-comptables du réseau CGP l’ont chiffrée à près de + 25 %, incluant les frais généraux et la masse salariale), rééquilibrer la marge des pharmacies et enfin pour stopper l’hémorragie des fermetures d’officines (plus de 2 000 depuis 10 ans, près de 300 en 2023 et déjà plus de 200 sur les cinq premiers mois de l’année). Ce chiffrage se basait sur le fruit d’analyses et de calculs réalisés à la fois par les experts économiques du syndicat et par les experts-comptables de la profession. Ce milliard ne prenait pas en compte l’évolution « naturelle » de notre marge, liée à la fois à l’arrivée des nouveaux médicaments, et à l’accroissement et au vieillissement de la population.

Lors de la réunion du 14 mai dernier, la proposition de la CNAM portait sur une augmentation de la marge brute chiffrée à 179 millions d’euros…à l’horizon 2027, hors évolution naturelle de la marge réglementée des pharmacies.

L’USPO a fait part de sa déception et réitéré le besoin impérieux d’obtenir un apport financier proche du milliard d’euros pour le réseau officinal, quitte à l’étaler dans le temps jusqu’en 2027 afin de tenir compte du contexte budgétaire contraint des finances publiques, notamment pour l’Assurance maladie.

Le 5 juin, après des contre-propositions faites par l’USPO, une dernière réunion a porté la hausse à 210, puis le lendemain à 215 millions d’euros, donc encore bien loin de ce qu’il aurait fallu pour répondre aux besoins et aux attentes de la plupart des 20 000 officines de France et d’outre-mer.

Sur les honoraires de dispensation, qui constituent le cœur de métier et l’essentiel de la marge brute des pharmacies, la CNAM a proposé la revalorisation suivante :

  • Hausse de +10 centimes d’euros pour l’honoraire à l’ordonnance : HDR = 0,61€ TTC
  • Hausse de +10 centimes d’euros pour l’honoraire lié à l’âge : HDA = 1,68€ TTC
  • Hausse de +5 centimes d’euros pour l’honoraire à l’ordonnance : HDR = 0,66€ TTC

Sur les gardes :

  • Honoraire à l’ordonnance de dimanche et jour férié : +1€ soit 6€ TTC
  • Honoraire à l’ordonnance de nuit (20h00-00h00 & 06h00-08h00) : +2€ soit 10€ TTC
  • Honoraire à l’ordonnance de nuit profonde (00h00-06h00) : 20€ TTC
  • Astreinte : +10€, soit 200€

Concernant les nouvelles missions, la CNAM a proposé :

  • Prise en charge de l’angine et de la cystite à l’officine en accès direct :
    • 10 € : réalisation du test ne donnant pas lieu à la dispensation d’un antibiotique ;
    • 15 € : réalisation du test donnant lieu à la dispensation d’un antibiotique.
  • Création d’un accompagnement pour les patients sous traitement antalgiques de palier II : lors de la seconde dispensation et pour un tarif de 5€ TTC
  • Pour la vaccination : paiement annuel de +3€ par code de vaccination de 9,6€ facturé (= prescription du vaccin) si le taux de 9,6 € facturé est supérieur à un seuil évolutif sur trois ans de l’ensemble des rappels vaccinaux réalisées à l’officine (code RVA)
  • Lutte contre la fraude : gain de 100€ annuel si 90 % de connexion hebdomadaire à ASAFO (base de données regroupant les fausses ordonnances). Mais cette base de fausses ordonnances sera opposable en cas d’indus, ce qui exposerait gravement les pharmacies sur le plan financier en cas de problèmes.

Le 5 juin, après avoir pris connaissance de la dernière proposition de la CNAM, les membres du Conseil d’administration de l’USPO ont rejeté, en conscience et à l’unanimité, la signature de cet avenant économique en l’état, laissant toutefois la porte ouverte à une évolution de leur position en fonction de l’avancée de nouvelles propositions qui pourraient modifier la trajectoire économique envisagée. Soucieuse de l’unité syndicale dans l’intérêt général de la profession, elle espérait que ses confrères de l’autre syndicat, qui avaient soutenu la journée de mobilisation du 30 mai pour les mêmes raisons, fassent de même.

Lors de son rdv avec le Ministre de la Santé, Frédéric Valletoux, le 5 juin, l’USPO a formulé 3 propositions susceptibles d’améliorer significativement la marge future des pharmacies :

  • L’égalisation des marges sur les médicaments biosimilaires/hybrides avec celles sur les bioréférents
  • L’obtention de remises commerciales sur ces biosimiliaires/hybrides
  • L’intégration des biosimilaires/hybrides à la ROSP produits de santé

En obtenant l’accord des pouvoirs publics sur ces 3 mesures, la profession aurait pu obtenir plusieurs centaines de millions d’euros, liés notamment aux économies générées par l’Assurance maladie.

En moins de 48h, l’USPO avait déjà obtenu des engagements concrets sur les deux premières propositions, via un courrier du Ministre en personne.

Le refus conjoint des deux syndicats de signer l’avenant en l’état aurait permis de continuer à mettre la pression sur le Gouvernement pour arriver à obtenir la troisième revendication.

Ce chiffre est malheureusement complètement faux ! Il repose sur des approximations, des additions et des calculs erronés.

EN 2019, l’Assurance maladie consacrait une enveloppe financière de 6,790 milliards d’euros de marge brute pour le réseau officinal. En partant de ce point de départ, et en prenant en compte certains paramètres, comme par exemple l’augmentation naturelle d’activité, estimée selon la CNAM à 4,8% tous les ans de 2024 à 2027 (ce qui est sujet à caution, ne serait-ce que si on prend en compte la volonté affichée de déprescription et la baisse programmée des remises sur les génériques), elle arrive à un prévisionnel de 7,846 milliards d’euros en 2027.

Donc, entre 2019 et 2027, on constate en effet sur le plan arithmétique une hausse d’un milliard d’euros. Mais si on neutralise les effets liés à la hausse naturelle de la marge réglementée et au travail supplémentaire fourni par les pharmaciens et leurs équipes, l’effort financier consenti par la CNAM se limite à seulement 220 millions d’euros cumulés…à l’horizon 2027, dont la moitié est issue de nouvelles missions ! Dans le détail, ce sera 27 millions en 2024, 112 en 2025 et 170 en 2026, avant d’arriver au total de 220 millions d’euros dans plus de 3 ans !

Une enveloppe financière pouvant aller jusqu’à 20 000 € TTC par an pendant trois ans est en effet prévue dans cet avenant. Mais elle concerne uniquement les officines les plus en difficultés, situées dans les territoires dits « fragiles », et dont le chiffre d’affaires déclaré à l’ARS doit être inférieur à un seuil de 1 000 000€  TTC par an. De même, elle sera réservée uniquement à une officine seule dans sa commune. Dans ces conditions, on estime qu’environ mille officines pourrait bénéficier de cette aide. Mais que se passera-t-il après l’arrêt de cette perfusion économique ?

Certes, la CNAM avait évoqué la réunion du 5 juin comme une « réunion conclusive ». Mais si aucun accord n’avait été trouvé, les discussions auraient sans doute continué, malgré les avertissements et les mises en garde exprimés par la CNAM sur le fait que leur dernière proposition était à prendre ou à laisser.

Pour rappel, dans le cadre du renouvellement de leur convention, les syndicats de médecins ont dans un premier temps quitté la table des négociations, pour finalement revenir quelques semaines plus tard, avec à la clé une hausse globale de 1,6 milliard d’euros mis sur la table par l’Assurance maladie !

Avec la décision unilatérale d’un syndicat le 7 juin de signer seul l’avenant économique, il va non seulement s’appliquer à l’ensemble de la profession au regard des règles de représentativité qui régissent notre profession (il faut au moins 30 % des voix aux élections URPS pour signer un accord qui vaut extension à toute la profession, ce qui est le cas des deux syndicats), mais cela met également un terme définitif à la poursuite des négociations avec la CNAM, et donc à un possible meilleur accord pour améliorer la marge des pharmacies.

Avec la dissolution surprise de l’Assemblée nationale annoncée le 9 juin par le Président de la République, la profession aurait eu une opportunité en or de pouvoir réellement peser sur ces élections législatives, sur les futurs députés et le futur Gouvernement ! Or cette signature précipitée compromet gravement l’influence des pharmaciens auprès des candidats puisque leur cas sera désormais considéré comme réglé !

Comme depuis sa création en 2001, l’USPO a vocation à défendre tous les pharmaciens titulaires et toutes les pharmacies, sans exception ! Elle a démontré dans ces négociations qu’elle n’entendait pas céder un pouce de terrain, compte tenu des difficultés croissantes de nombreuses officines depuis trois ans. Son engagement a conduit à la grande journée de mobilisation du 30 mai dernier, avec 90 % des officines fermées et 30 000 personnes dans les rues pour manifester leur mécontentement et défendre à la fois leurs conditions d’exercice, actuelles et futures, et leur marge.

Même si une grande partie de la profession ne comprend pas cette décision de signer si vite, l’USPO va faire son maximum pour faire entendre la voix des pharmaciens d’officine pendant les législatives prévues fin juin et début juillet, et ensuite préparer au mieux des mesures positives pour le PLFSS 2025 ! Rejoignez-nous : nous avons besoin de vous dès maintenant pour les prochains combats à mener !

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