LETTRE OUVERTE A LA DIRECTION DE LA SECURITE SOCIALE (DSS) : RESULTATS DE NOTRE SONDAGE SUR LES REMISES
Cette lettre a été adressée par le Président de l’USPO au Directeur de la Sécurité sociale le 13 juin. Elle vous est partagée par souci de transparence sur la situation
Paris, le 12 juin 2025
Monsieur le Directeur de la sécurité sociale,
Le 6 mai dernier, a été publié l’arrêté qui étend le plafond de remise de 40% appliqué aux médicaments génériques à ceux dont les prix ont été alignés sur ceux des génériques ou soumis au TFR sous tarif forfaitaire de responsabilité. Cependant, en l’absence d’autre publication toutes les remises y compris génériques seront brutalement plafonnées à 2,5% au 1er juillet prochain.
Nous avions alerté la profession par un communiqué de presse publié le 15 mai dernier sur le sujet.
Quid de la pérennité de nos incitations génériques après cela ?
Rappelons que la substitution des génériques par les pharmaciens génère des milliards d’euros d’économie par an à l’Assurance maladie et que ces remises représentent plus de 30% de l’excédent brut d’exploitation (EBE) des officines, voire plus pour les pharmacies situées en milieu rural, soit l’équivalent de 50 000 emplois. L’évolution de leur rentabilité ne suit pas la hausse des charges, pourtant bien réelle (énergie, salaires, loyers, fournitures…). Avec plus de 146 000 emplois directs, la pharmacie d’officine est le premier employeur chez les professionnels de santé libéraux.
Nous vous partageons l’analyse du Président du cabinet d’experts-comptables CGP (Conseil gestion pharmacie) sur le poids des remises génériques dans la rémunération des officines :
- « Avec 85 % de taux moyen de substitution, le chiffre d’affaires HT des génériques représente environ 16,5 % du chiffre d’affaires HT à 2.1 % (honoraires compris) ».
- « A partir de notre officine moyenne issue de nos statistiques CGP Edition 2024, la remise plafonnée à 40 % sur le générique représente environ 78 000 euros. »
- « Ce montant est à comparer à la marge, l’EBE et la rémunération moyenne du titulaire.
- 78 000 / 694 000 € = 11.24 % de la marge brute globale
- 78 000 / 259 100 €= 30.10 % de l’EBE
- 78 000 / 60 500 € = 129 % de la rémunération nette du titulaire, 87 % de la rémunération brute. »
Entre 2014 et 2024, l’Excédent Brut d’Exploitation (EBE) moyen des pharmacies d’officine n’a progressé que de +5,4%. Dans le même temps, l’inflation cumulée, mesurée par l’INSEE, a atteint +19,8 %. Ce manque d’investissement chronique par l’Assurance maladie a provoqué la fermeture de 2 238 pharmacies sur cette même période. Pour faire face à cet effet ciseau, les pharmaciens titulaires réalisent un pilotage serré des charges externes, baissent fortement leur rémunération de dirigeant, puis réduisent la masse salariale avant de baisser le rideau définitivement : une pharmacie fermait par jour ouvré en 2024.
Des déserts médicaux aux déserts pharmaceutiques : jusqu’où l’abandon des territoires va-t-il aller ?
Le plafond étant simplement un maximum possible de remises, il n’implique pas une obligation pour les industriels d’atteindre celui-ci. Dans son rapport d’activité publié le 20 décembre 2024, le Comité économique des produits de santé (CEPS) indiquait que le taux moyen de remise accordé par les exploitants s’élevait à environ 25 % pour l’année 2023, soit une diminution d’un point par rapport à l’année précédente. Ce chiffre confirme la tendance à la baisse des remises sur les génériques, tout en démontrant que le plafond réglementaire n’empêche pas d’atteindre un taux pondéré inférieur. Dès lors, ce plafond permet au CEPS de procéder à des baisses de prix des médicaments génériques. D’autre part, le plafond n’étant pas une obligation, l’industriel, si ses conditions économiques de production l’exigent, accorde aux pharmaciens une remise bien inférieure au plafond.
Dans la mesure où les remises génériques font intégralement partie de l’Observatoire de l’honoraire régulièrement partagé avec l’Assurance maladie, toute baisse de ces remises devra, pour le maintien et la survie du réseau officinal, être compensée par l’Assurance maladie.
D’après les résultats de notre sondage lancé le 5 juin dernier et ayant récolté 2 400 réponses de pharmaciens d’officine, il appert qu’en cas de baisse du plafond de remise de 40% à 20% (soit une baisse estimée à 40 000 € en moyenne), les pharmaciens déclarent choisir les solutions suivantes :
- 70% envisageraient une baisse de leur masse salariale,
- 69% seraient à court de trésorerie (demande de découpage, refinancement bancaire, …),
- 63% reporteraient des investissements (matériel, rénovation, outils numériques, …),
- Et 52% envisageraient une cessation ou cession de leur activité dans les 5 ans.
Nous demandons instamment aux pouvoirs publics de maintenir le plafond existant de 40% afin de permettre que l’amplitude de la négociation avec les industriels demeure large et flexible. C’est un moyen pour les pouvoirs publics d’obtenir rapidement des économies comme la profession a su le faire pour les génériques.
Il semblerait que cette baisse de remises génériques serait compensée par l’octroi des remises sur les biosimilaires. Or, au moment des négociations avec Monsieur le ministre de la Santé Frédéric Valletoux, il y a exactement un an, nous avions convenu que les remises biosimilaires étaient là pour redonner une bouffée d’oxygène au maillage pharmaceutique et en aucun cas pour compenser les remises génériques. D’une part, celles-ci sont incertaines et d’autre part, ces médicaments sont mal répartis dans le réseau pharmaceutique.
Ces remises ne doivent pas s’inscrire dans l’équilibre actuel des remises déjà existantes pour les seuls génériques mais être accordées en sus de ces dernières pour l’effort de substitution des biosimilaires par les pharmaciens.
Croyez en mes sentiments respectueux,
Pierre-Olivier VARIOT, Président de l’USPO