Signature de l’avenant économique : à qui profite le crime ?
Signature de l’avenant économique : à qui profite le crime ?
Chers confrères, chères consœurs,
Comme vous le savez, le réseau officinal va mal. Plus de 2 000 pharmacies ont baissé le rideau depuis quelques années : le CNOP en comptabilisait désormais 20 502 au 1er janvier dernier. Chaque mois, plusieurs dizaines continuent de mettre la clé sous la porte. Quand une pharmacie disparait, ce sont des patients qui se sentent abandonnés, une économie locale qui est déstabilisée et un accès aux soins de proximité qui devient de plus en plus compliqué.
Comme vous le constatez, le modèle économique de l’officine va mal. Depuis la sortie de la crise sanitaire, les charges en tous genres ont littéralement explosé (+25%), tandis que la marge et la rentabilité n’ont cessé de se dégrader (- 22,7 % en 2023 selon la dernière étude du réseau KPMG). Près de trois quarts des officines ont une évolution négative de leur marge en valeur.
Dans le même temps, les perspectives ne sont pas réjouissantes. La perte des produits de contraste au bénéfice des radiologues, effective depuis mars dernier, va coûter au réseau en moyenne 25 millions d’euros par an pendant les prochaines années. Entre 2024 et 2027, le manque à gagner s’élève donc à environ 100 millions d’euros.
Ce chiffre est à mettre en comparaison avec les 110 millions d’euros de revalorisations des honoraires à l’horizon 2027 qui figurent dans l’avenant économique de la CNAM. Dit autrement, ce qui est présenté comme une grande victoire par le syndicat signataire ne sera tout au plus qu’une simple compensation d’une ressource financière qui nous a été enlevée.
Et si on ajoute les autres 110 millions de l’avenant réservés aux nouvelles missions, dont chacun sait le caractère chronophage et parfois complexe à mettre en œuvre, la « manne » financière s’élèvera par pharmacie à environ 5 500€, soit 1 833€ par an entre 2025 et 2027…Selon certains, cette somme serait donc suffisante pour sauver le réseau et compenser les pertes ? A l’USPO, nous en doutons fort depuis le début, et notre avis n’a jamais changé.
Par ailleurs, afin de faire de nouvelles économies, le Comité Économique des Produits de Santé (CEPS) va multiplier les révisions tarifaires à la baisse pour de nombreux produits que nous dispensons, comme récemment avec les pansements hydrocellulaires, l’autosurveillance glycémique, les orthèses et les bas de contention.
D’autres dispositifs médicaux sont également en danger, comme la location et la vente de fauteuils roulants. En effet, un projet de texte en cours d’examen par le Ministère de la santé prévoit de moins bien les rembourser et de baisser leur prix de vente, ce qui aura des effets désastreux sur la qualité et la durabilité de ces matériels qui bénéficient à plusieurs centaines de milliers de personnes, de manière temporaire ou permanente.
On pourrait également ajouter l’encouragement des pouvoirs publics à la sobriété médicamenteuse, que nous soutenons naturellement dans le cadre du bon usage du médicament, mais qui aura nécessairement une incidence non négligeable sur la marge officinale dès les prochains mois.
Pourtant, dans ce contexte morose, et malgré tous ces signaux négatifs, nous lisons ici et là que les pharmaciens ont été entendus suite à la mobilisation nationale du 30 mai et qu’ils ont eu gain de cause.
Nous souhaitons donc une nouvelle fois le rappeler fermement et clairement à toute la profession : cet avenant économique est une aumône que nous récusons, une obole que nous réfutons !
Du reste, quand un avenant économique soi-disant avantageux contient comme mesure phare une aide à destination des pharmacies fragiles, cela démontre bien que le problème est d’abord structurel et ne peut pas avoir comme réponse une solution conjoncturelle !
L’argument consistant à dire que « ce qui est pris n’est plus à prendre », ou encore que « c’est toujours mieux que rien » relève d’une vision court-termiste, mais surtout d’un mauvais calcul politique et financier ! J’appelle solennellement mes confrères et consœurs à ne pas se laisser berner par des additions erronées et des hypothèses de croissance exagérées !
Les enjeux sont trop sérieux pour ne pas faire preuve de courage, de clarté et de transparence. La politique du moins pire ne pourra jamais servir de boussole pour notre profession !
Très confraternellement,
Pierre-Olivier VARIOT, Président de l’USPO