
La pharmacie d’officine : un pilier de prévention, de repérage et de conseils en santé sexuelle
Magazine Officines Avenir n°33 – Avril 2025 – Temps de lecture : 6min
La santé sexuelle constitue un enjeu majeur de santé publique, et la pharmacie d’officine joue un rôle central dans sa promotion et sa prévention.
Premier point d’accès pour de nombreux patients, les pharmacies prodiguent des conseils essentiels sur la sécurisation des pratiques sexuelles, les moyens de contraception, et le dépistage ou le repérage précoce des infections sexuellement transmissibles (IST). Grâce à leur accessibilité et leur expertise, elles sont des lieux de confiance et des espaces de santé privilégiés.
Les Rendez-vous de Prévention : un accompagnement par le pharmacien
Depuis janvier 2024, les assurés sociaux peuvent bénéficier de rendez-vous de prévention à des âges clés de leur vie. Entièrement pris en charge, ces rendez-vous par l’assurance maladie visent à améliorer le bien-être général, encourager des comportements favorables à la santé et prévenir l’apparition de pathologies.
La santé sexuelle peut être abordée lors de ces rendez-vous, nécessitant une approche bienveillante et respectueuse, afin de promouvoir des expériences sexuelles épanouissantes, sans contrainte, discrimination ni violence. Découvrir notre dossier complet sur les RDV prévention >
Comment le pharmacien peut-il accompagner les personnes ?
Évaluer les risques et orienter
Le pharmacien informe les patients sur les différentes méthodes de contraception de courte ou longue durée, adaptés à leurs modes de vie, il rappelle l’accessibilité même sans prescription des préservatifs ou de la contraception d’urgence pris en charge.
Prévenir et dépister les IST
En plus de sensibiliser aux moyens de protection, le pharmacien encourage au dépistage régulier du VIH et autres IST, selon les facteurs de risque identifiés. Il peut aussi évoquer la prophylaxie pré-exposition (PrEP) et orienter les patients vers des centres spécialisés.
Accompagner dans des situations sensibles
En cas de consommation de substances psychoactives dans un contexte sexuel (chemsex), il informe sur les risques et oriente vers un suivi adapté. Il a aussi un rôle crucial dans le repérage, le soutien et l’orientation des victimes de violences sexuelles (contrainte, menace, mutilation, discrimination, voyeurisme, etc.), en respectant le cadre du secret médical.
Statut vaccinal et troubles sexuels
Le pharmacien vérifie la couverture vaccinale, notamment contre le HPV et l’hépatite B, et propose un rattrapage si nécessaire. Il est également en mesure d’échanger avec les patients souffrant de dysfonctions sexuelles ou de symptômes gynécologiques évocateurs de pathologies (endometriose, SOPK…) ainsi que de les orienter vers un médecin si besoin.
Informer et accompagner
Il sensibilise sur les causes d’infertilité et leur prévention, encourage un dépistage et un suivi médical régulier, et rappelle les droits des femmes en matière d’IVG.
Focus sur l’endométriose
L’endométriose constitue un enjeu majeur pour la santé des femmes et leur qualité de vie. Le pharmacien peut jouer un rôle dans le repérage des signes évocateurs (douleurs pelviennes, troubles menstruels, fatigue, infertilité) et la réorientation vers un parcours de soin adapté.
Depuis le 11 février 2025, suite à l’avis favorable de la Haute Autorité de Santé, le test salivaire « Endotest » est pris en charge dans le cadre du forfait innovation. Ce dispositif permet un diagnostic précoce et réduit l’errance diagnostique estimée à 7 ans. D’une valeur de 839€, 25 000 patientes pourraient en bénéficier.
Culottes menstruelles
La LFSS 2024 prévoit la gratuité des protections hygiéniques réutilisables pour les jeunes de moins de 26 ans et les bénéficiaires de la C2S. Leur prise en charge nécessite toutefois des ajustements réglementaires. Le cahier des charges est prévu pour l’automne 2026, avec une disponibilité en pharmacie dès 2027.
Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) médicamenteuse
Les pharmacies d’officine peuvent être amenées à dispenser des médicaments indiqués pour l’IVG médicamenteuse : mifépristone (Miffee®, Mifégyne®) et misoprostol (Misoone®, Gymiso®).
Deux types de dispensation sont possibles :
- Après une consultation physique : la dispensation se fait via une commande à usage professionnel. Seuls les médecins, sage-femmes, centres de planification et centres de santé conventionnés peuvent s’approvisionner. En l’absence de convention, la dispensation est interdite et nécessite une traçabilité stricte à l’ordonnancier.
- Après une téléconsultation : la dispensation peut se faire directement à la patiente sur présentation d’une prescription par un médecin ou sage-femme autorisé. L’ordonnance doit être transmise par messagerie sécurisée ou tout moyen garantissant la confidentialité. Cette dispensation nécessite également un enregistrement à l’ordonnancier.
Dans ce cadre, le pharmacien s’assure que les patientes reçoivent les explications claires sur l’usage et les potentiels effets secondaires de médicaments dispensés et garantit un suivi post-IVG. Il veille également à respecter la confidentialité, à offrir une écoute bienveillante et à orienter, si besoin, vers d’autres professionnels de santé tels que des conseillers en santé sexuelle ou des psychologues.
VIH, VHB, VHC, Syphilis : la CPTS Riviera réinvente le dépistage en pharmacie
Et si les pharmacies devenaient des acteurs clés dans la lutte contre les infections sexuellement transmissibles (IST) ? C’est le pari audacieux de la CPTS Riviera Française, en partenariat avec l’USPO. Depuis plusieurs mois, les officines du territoire expérimentent le dépistage du VIH via les Tests Rapides d’Orientation Diagnostique (TROD).
Chaque année, des milliers de Français découvrent tardivement leur séropositivité. Une situation dramatique, tant pour leur santé que pour la lutte contre l’épidémie. « Il est essentiel de multiplier les opportunités de dépistage, surtout dans les zones à accès limité aux soins », explique le Dr Pascal Pugliese, médecin au CoReVIH PACA Est. En intégrant les pharmaciens, acteurs de santé de proximité, cette expérimentation vise à réduire les inégalités d’accès.
Le dispositif repose sur un protocole clair. Dans un espace confidentiel au sein de la pharmacie, le pharmacien, formé et habilité, accueille la personne et évalue les critères d’inclusion : demande spontanée, comportements à risque, délivrance de contraception d’urgence… Le test réalisé, le résultat est immédiat. En cas de positivité, le patient est orienté vers des structures adaptées.
« Cette mission exige bien plus qu’une simple compétence technique », précise la Société Française de Lutte contre le Sida (SFLS), qui encadre le dispositif. Les pharmaciens suivent une formation approfondie sur les enjeux éthiques, la conduite des entretiens pré et post-test et l’accompagnement psychologique. « Savoir annoncer un résultat, répondre aux inquiétudes et rassurer, c’est essentiel », souligne Cyril Colombani, pharmacien formé et engagé dans l’expérimentation.
Depuis le lancement, les retours sont très positifs. « Ce dispositif a permis de toucher des personnes qui n’auraient jamais osé franchir les portes d’un laboratoire », constate Guillaume, pharmacien participant. Face à cette réussite ce dispositif va être étendu à d’autres territoires et d’autres IST (Hépatites B & C, syphilis).
« Impliquer les pharmaciens dans la prévention des IST s’imposent comme une évidence pour l’avenir », affirme le Dr Pugliese.
Avec une écoute attentive et des conseils adaptés, le pharmacien est un véritable acteur de prévention en matière de santé sexuelle, garantissant un accompagnement de proximité bienveillant et accessible.
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